Le Grand Logothète Glycère est affalé sur un grand lit, dans une fabuleuse salle décorée des plus riches mosaïques de l'Empire. Une nuée d'esclaves s'affaire autour de lui, on lui porte même des grappes de raisins à la bouche.
- Ah, quel délice !...
Devant le Grand Logothète qui s'extasie est rassemblée la famille des Syagrii, dont le pater familias, pâle comme le linceul de Khrestos, se ronge les doigts avec une méticulosité admirable. La peur fait ressortir le meilleur de chacun, comme l'affirmait déjà il y a belle lurette Sigmundus de Freudopolis, adorateur de la déesse Psyché, mort dans l'arène sur décision de l'empereur khrétien Conspanzin.
- Vraiment, mon bon Honorios, ton palais est sublime ! Ses fontaines, ses sculptures, ses dorures !... s'émerveille le premier des ministres de Staurakios I.
- Oui, ô Glycère...
- Le plus beau palais de Pénombropolis ! Le plus beau de Sélombrie, même ! déclare-t-il, crachant des noyaux à terre, sur une magnifique mosaïque figurant Khrestos en compagnie du Grand Homard, divinité païenne attachée (qui l'eût cru?) à la mer.
- Oui, ô Glycère...
- Et tes étables ! Tes chevaux ! De race pure, robustes et nobles !
Et ton bétail ! Nombreux, bien nourri !
Glycère jette un regard attendri vers les enfants d'Honorios.
- Heureux sois-tu, mon bon Honorios ! Tes enfants sont en bonne santé, ton domaine prospère et ta conscience est vierge de tout crime, de toute mauvaise attache... énumère-t-il, passant d'un ton résolument bienveillant à un timbre de voix sombre, appuyant particulièrement la dernière partie de sa phrase.
- Ô Glycère ! hurle Honorios en s'écroulant à terre, versant des larmes, alors que les soudards mornands qui observaient consciencieusement la scène excluent subitement la famille du fautif. Comme du bétail, les proches d'Honorios sont dirigés vers la porte et remerciés par des grognements rauques.
- Oui, Honorios... murmure Glycère, qui se trouve à présent agenouillé devant Honorios. Je sais beaucoup de choses, Honorios, et maintenant il faut que tu confesses... lui dit-il en posant paternellement la main sur la tête.
Et autour de cette scène attendrissante d'absolution cathodoxe, tout un équipage de bourreaux s'empresse d'assembler des machines terrifiantes...